Claire

Jul 8, 2025

le feu - l’eau

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En rencontrant Claire, j’ai vécu une rencontre incroyablement belle, qui m’a offert une inspiration dont j’avais besoin.
 
Jour 6. Je jouais dans le petit village de Le Cheylard, au centre-ville, et j’y ai rencontré des personnes chaleureuses et reconnaissantes. Alors que je commençais à ranger mes affaires, Claire est venue vers moi.
Une femme de 70 ans, toute menue, joyeuse et vive. Avec sa jupe longue rose, son t-shirt rose et son chapeau rose, elle rayonne exactement la légèreté qu’elle porte en elle. Elle me tend des fruits frais - parce qu’elle trouve trop banal de me donner de l’argent - et je me régale de ses abricots et pêches locaux. On dirait qu’elle aimerait encore faire quelque chose pour moi. Elle me demande si j’ai besoin de quelque chose, si j’ai un endroit pour dormir. Il est seulement dix heures du matin, et je sens déjà que je veux continuer vers le sud. Mais je saisis l’occasion de peut-être enfin offrir à mon corps en sueur une bonne douche.
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Une demi-heure plus tard, elle me fait discrètement entrer dans sa résidence pour seniors, où elle m’offre une douche et un repas - un vrai rêve !
Claire parle sans arrêt, en passant rapidement d’un sujet à l’autre, ce qui fait que j’ai parfois du mal à la suivre. Au début, elle paraît un peu confuse, mais très vite je réalise à quel point elle est ancrée dans P2.
Quand on commence à parler d’émotions, de relations humaines et du sens de la vie, une clarté émerge soudainement dans ses paroles, que je n’aurais pas soupçonnée au départ.
Je me reconnais tellement là-dedans: submergée par mes pensées et mes émotions, j’ai parfois du mal à mettre de l’ordre dans tout ça, un ordre que d’autres pourraient suivre. L’écriture m’aide beaucoup. Et pourtant, chaque article de blog que je publie, je l’envoie d’abord à Isi, qui me dit où elle décroche ou perd le fil.
Le flot d’inspiration que Claire puise dans la vie se reflète aussi immédiatement dans son appartement. Je ne parlerais pas de chaos, car je reconnais partout son expression de P2. Des cartes, des phrases, des mots, des livres.
Claire n’a pas beaucoup de terre en elle - elle n’est pas une fée du logis - mais son eau cherche à s’exprimer, et elle le fait joyeusement dans tous les recoins de son espace.
 
 
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Quand je ressors de la douche, elle a troqué ses habits roses contre du bleu ciel. Évidemment, avec le chapeau assorti.
 
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À cette eau profonde s’ajoute chez Claire un feu qui brûle fort. Il y a environ un an, elle a vendu sa maison dans laquelle elle vivait depuis quarante ans. Elle voulait du changement - de la liberté - et elle s’est jetée dans la vie avec courage. Elle a aussi beaucoup voyagé.
Et quand elle se met à parler des éléments, je suis conquise. Cette femme parle exactement ma langue !
Elle me raconte comment elle prend sa vie en main, à l’encontre de ce que la société attend d’elle. En même temps, elle sait très bien à quel point ses élans passionnés peuvent dérouter. Alors, pour éviter qu’on lui colle l’étiquette de “folle”, elle joue parfois le jeu: elle s’habille de façon plus “normale” et s’adonne aux activités quotidiennes que la plupart trouvent rassurantes.
Je me sens tellement en résonance avec elle. Je ne peux plus m’arrêter de photographier toutes les phrases et poèmes réparti dans son appartement. Je suis ravie quand elle me donne un livre que j’avais repéré en explorant chez elle.
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Je lui parle de mes projets, et je vois qu’elle comprend exactement de quoi il s’agit. J’ai du mal à mettre le cœur de ce que je fais en mots, alors ça me touche d’autant plus quand il passe, sans explication, dans ma musique, mes textes, mes vidéos.
 
Quand mes vêtements lavés ont un peu séché au soleil, je reprends la route vers le sud, après cette rencontre pleine de chaleur, de générosité, et de reconnaissance mutuelle.
 

 
Il y a des moments où le “programme de la société” s’active dans ma tête, et je me demande ce que je fais là, en réalité. Je suis en vacances et j’appelle ça un projet. Je joue de la trompette pour une armée de fourmis et je me dis trompettiste. Je me bats comme une folle avec un trépied de téléphone pour capturer un instant qui, au fond, était déjà passé quand j’ai voulu l’attraper.
Et même si je sais profondément que je n’aurais jamais été heureuse dans un orchestre, il y a cette voix qui revient parfois: celle qui ne me reconnaît comme trompettiste que si j’ai un poste fixe.
Mais ce ne sont plus que des moments. De petits nuages sombres qui passent sur ce que je suis vraiment, et ce que je veux.
Claire - un rayon de soleil à elle seule - qui se jette joyeusement dans la vie et refuse de se faire voler ça par les jugements, m’a rappelé pourquoi je fais tout ça.
La liberté qu’elle incarne est ce bonheur que tout être humain recherche. Et plus on apprend à reconnaître nos conflits intérieurs, à s’y plonger, plus il y aura d’humains accomplis sur cette Terre.
 
Et pour ça, je suis prête à me donner toute entière. Même si parfois je me sens bête, et même si les murs contre lesquels je me cogne chaque jour me semblent durs et infranchissables.