l’empathie
Combien d’années ai-je passé à souhaiter ressentir moins.
Combien de larmes ai-je versées, de rage et de désespoir contre moi-même et le chaos de mes émotions « inappropriées ».
Combien de temps ai-je considéré l’empathie comme une faiblesse. J’ai essayé de l’éteindre, de la réduire au strict minimum.
Combien de larmes ai-je versées, de rage et de désespoir contre moi-même et le chaos de mes émotions « inappropriées ».
Combien de temps ai-je considéré l’empathie comme une faiblesse. J’ai essayé de l’éteindre, de la réduire au strict minimum.
Quand j’ai commencé à vouloir accueillir et comprendre mon monde émotionnel, j’ai passé des heures à chercher des informations, des livres et des articles sur ce mystère qu’est l’empathie. Mais les concepts les plus intelligents ne peuvent pas nous aider à comprendre des émotions. Si nous voulons vraiment les comprendre, nous devons nous engager dans l’expérience avec tout notre ressenti corporel.
Ce qui m’aide, c’est de distinguer différents plans. La psychologie parle d’empathie émotionnelle (P2) et d’empathie cognitive (P1). Je n’utilise cependant pas ces termes, car je souhaite ici expliquer ma propre définition. Mais dans de nombreux aspects, les deux approches se recoupent.
Empathie au niveau P2 (le plan émotionnel)
L’empathie émotionnelle signifie ressentir littéralement les émotions d’une autre personne. Nous les traversons comme si elles étaient les nôtres. Les émotions humaines sont multiples, elles peuvent changer en quelques secondes ou même se contredire dans un même instant. L’empathie émotionnelle perçoit tout cela. Elle ressent chaque variation, chaque contradiction, chaque joie et chaque hésitation. Elle est capable de capter des émotions que la personne elle-même n’a peut-être pas encore identifiées.
Mais il faut en être conscient :
Nous ne pouvons pas ressentir une émotion que nous ne connaissons pas nous-mêmes.
Nous ne pouvons pas ressentir une émotion que nous ne connaissons pas nous-mêmes.
Cela signifie que chaque émotion que nous percevons chez l’autre s’inscrit forcément dans notre propre répertoire d’expériences. En fin de compte, ce que nous percevons repose donc toujours sur nos propres vécus.
Ainsi, plus nous voulons comprendre les autres, plus nous devons plonger profondément dans notre propre monde intérieur. C’est une exploration sans fin. (C’est justement pour cela que, pour moi, c’est une aventure passionnante, infinie).
De nouvelles émotions apparaissent sans cesse, et dans les profondeurs de notre inconscient sont enfouies d’innombrables situations dont nous n’avons même plus conscience. Mais plus nous apprenons à nous connaître, plus nous pouvons reconnaître et comprendre clairement nos propres émotions et celles des autres.
Le plan émotionnel est une soupe infinie d’émotions. Il est en réalité bien trop complexe pour être exprimé en mots. Mais pour pouvoir s’y repérer, notre esprit a besoin de catégories, de tiroirs, de concepts où ranger nos perceptions afin d’avoir, au moins, un minimum d’orientation dans ce monde foisonnant.
Empathie au niveau P1 (le plan cognitif)
L’empathie cognitive fonctionne uniquement par la pensée. Nous comprenons les actions et les émotions. En psychologie, on trouve d’innombrables concepts et théories qui permettent d’expliquer les comportements - les nôtres comme ceux des autres.
Lorsqu’on comprend, il devient plus facile d’accepter, ou du moins d’excuser.
Cela aide notre esprit à trouver une certaine clarté au milieu du chaos et de l’intensité de l’humanité.
Cela aide notre esprit à trouver une certaine clarté au milieu du chaos et de l’intensité de l’humanité.
Mais si nous voulons vraiment saisir nos semblables, il ne suffit pas d’utiliser notre intellect. Il est bien trop limité pour appréhender la complexité des émotions.
Si notre compréhension reste uniquement sur le plan cognitif, notre cœur restera marqué par l’incompréhension, le jugement et la blessure.
L’intellectualisation des émotions est, dans notre société, un moyen très courant de se protéger de la douleur. De continuer à fonctionner. Il semble plus simple de garder les émotions dans la tête, car les ressentir pleinement, avec tout notre corps, peut nous désarçonner complètement pendant un moment.
La douleur peut nous envahir et nous submerger d’un sentiment de désespoir et d’impuissance.
La douleur peut nous envahir et nous submerger d’un sentiment de désespoir et d’impuissance.
Mais si nous ne voulons pas nous perdre dans l’isolement, nous devons ouvrir à la fois notre esprit et notre cœur aux autres.
Nous devons traverser la douleur pour laisser la compréhension et l’amour triompher.
Nous devons traverser la douleur pour laisser la compréhension et l’amour triompher.
Inconvénients
…qui apparaissent lorsque nous n’avons pas appris à gérer l’empathie.
Réprimer ses propres émotions
L’empathie peut nous amener, par excès de compréhension envers les actions des autres, à réprimer nos propres blessures. Mais aussi bien que nous puissions comprendre l’autre, nous pouvons malgré tout être blessé·e ou en colère.
Faire preuve d’une certaine maturité émotionnelle signifie savoir réguler ces émotions - mais malgré tout : elles doivent être ressenties.
Même si nous comprenons, nous devons nous accorder un espace pour ressentir la douleur, laisser la colère s’exprimer, sentir le désespoir. Cela peut d’ailleurs passer par une mise en mots ou une expression de nos propres émotions.
Oublier ses propres limites
Cela s’accompagne souvent de la difficulté à poser ses propres limites. Car cela peut signifier devoir critiquer l’autre, éventuellement le heurter. Nous posons des attentes, et même si elles nous semblent évidentes, elles peuvent représenter pour l’autre une modification ou une restriction de son comportement habituel.
Plus je suis proche d’une personne, plus il m’est difficile de limiter son comportement. Pourtant, si nous voulons rester fidèles à nous-mêmes, cela est parfois nécessaire. C’est ensuite à l’autre de décider s’il veut réellement passer du temps avec nous, ou seulement lorsque nous correspondons à l’idée qu’il se fait de nous. Nos besoins font partie de nous.
Il est important de comprendre que ces besoins ne doivent pas être rationnels. Les expériences les plus diverses génèrent des besoins et des limites différentes : ce qui ne pose aucun problème pour l’un peut représenter une grande difficulté pour l’autre. Et c’est normal, humain et acceptable. Si nous reconnaissons cette légitimité, nous pouvons les communiquer sans culpabilité et, si nécessaire, les faire respecter.
exemples
1. assumer la responsabilité des émotions des autres
Il est important que nous assumions la responsabilité de nous-mêmes à deux plans: de nos émotions et de nos actions. Cela signifie également prendre en compte l’impact de nos paroles et de nos actes sur les autres. Peu importe que nous agissions sur le plan cognitif ou émotionnel : chaque action a des conséquences. Chaque action entraîne une réaction et chaque mot déclenche quelque chose chez autrui. Nous n’avons pas toujours besoin de tout comprendre, mais développer une conscience de “l’autre côté” est essentiel pour une société.
Pourtant, la capacité d’empathie peut nous amener à essayer de prendre la responsabilité des émotions et des actions des autres. C’est un équilibre délicat entre compréhension et culpabilité. Mais ce qui résulte de cette prise de responsabilité est en fin de compte une forme de contrôle et de tutelle.
Notre esprit a naturellement tendance à vouloir contrôler. Sa fonction est notamment de classer les situations et de nous protéger du danger. Ainsi, tout inconnu est d’abord perçu comme une source d’insécurité et de risque.
Cependant, dès que nous prenons la responsabilité des émotions et des actions des autres, nous perdons d’une part de vue nous-mêmes, et d’autre part, nous plaçons l’autre personne dans une position de faiblesse. Nous lui retirons la possibilité d’exercer sa propre responsabilité, freinant ainsi sa croissance émotionnelle.
Nous offrons notre attention alors que nous avons besoin de temps pour nous-mêmes. Nous offrons notre compréhension là où nous ne pouvons pas comprendre. Nous offrons notre patience alors que chaque minute déchire notre cœur. Nous offrons notre corps alors que nous n’en avons aucune envie. Peut-être ne savons-nous même plus ce que nous voulons réellement, car cela est enfoui sous les besoins des autres.
C’est si facile : nous nous donnons, et l’autre semble aller mieux. Mais ce n’est rien d’autre que tenter de cacher une blessure qui doit être guérie - une guérison qui ne peut pas venir de l’extérieur. Elle ne dépend que de la personne elle-même, de personne d’autre.
Chaque tentative d’apaiser cette blessure équivaut à se fermer à la réalité.
Chaque tentative d’apaiser cette blessure équivaut à se fermer à la réalité.
2. sacrifice de soi - L’héroïne
C’est finalement une autre forme de prise de contrôle mais qui va encore plus loin que simplement assumer la responsabilité. Il s’agit vraiment de se jeter dans le feu pour une autre personne, même si celle-ci ne l’a peut-être pas demandé.
C’est le sacrifice de soi pour le bonheur des autres. Derrière cela se cache souvent un profond sentiment de culpabilité ou de honte, mais cette fois-ci emballé dans un rôle héroïque valorisant.
Nous acceptons nos propres blessures pour atténuer celles de l’autre. Supporter une douleur émotionnelle - qu’elle soit la nôtre ou celle de quelqu’un d’autre - signifie que nous devons laisser aller le contrôle.
Surtout lorsque nous savons que nous sommes fort.e.s dans quelque chose, il peut arriver que nous soyons tentés de prendre les défis des autres à notre charge. Il en va de même sur le plan émotionnel.
Par exemple, je suis consciente de mes compétences émotionnelles. (Cela est sûrement aussi lié au fait que, dans notre société patriarcale, les filles se voient très tôt confier la responsabilité de l’organisation des émotions – surtout celles des autres.)
Cette compétence que je viens de me reconnaître pourrait – vu les innombrables crises émotionnelles que je laisse parfois transparaître ici – faire lever un sourcil ou deux. Mais ces hauts et bas émotionnels sont le résultat d’une décision – pas toujours consciente – de ne pas refouler certains sentiments et pensées, mais de leur laisser de la place et de se confronter à eux. Car la psyché humaine a toujours la possibilité d’éviter, de détourner le regard. (J’en parle davantage dans l’article «Le cours de la vie».) (La capacité à affronter ces émotions ne dépend d’ailleurs pas uniquement d’une force émotionnelle, mais aussi de nombreux autres facteurs comme la satisfaction de certains besoins fondamentaux, un sentiment de sécurité, etc.)
Quoi qu’il en soit, cela peut nous amener à vouloir faire ce travail à la place des autres – que ce soit sur le plan E1 ou E2. Soudain, nous nous mettons à traverser la douleur et les épreuves qui leur appartiennent, simplement parce que nous savons que nous en serions capables.
C’est comparable à un adulte qui prend les exercices de mathématiques des mains de son enfant pour les résoudre à sa place, au lieu de le laisser chercher lui-même la solution ou de l’y aider.
La frontière entre soutenir et faire à la place de l’autre n’est pas toujours claire, mais il est essentiel de la reconnaître si nous voulons véritablement soutenir nos proches sans les maintenir dans une position de dépendance ou de petitesse.
3. la sur-adaption
On les appelle les people pleasers.
Ce sont généralement des personnes très sensibles, qui ont grandi dans un environnement avec une communication pauvre et des attentes ambiguës. L’être humain est extrêmement complexe. Il n’est pas rare que nos propres attentes et désirs se contredisent. Pour un enfant, l’acceptation, l’amour et la reconnaissance des parents sont primordiaux. Ainsi, lorsque des signaux ambigus sont envoyés, l’enfant peut se mettre à essayer désespérément de lire et d’anticiper chaque désir.
Ce sont généralement des personnes très sensibles, qui ont grandi dans un environnement avec une communication pauvre et des attentes ambiguës. L’être humain est extrêmement complexe. Il n’est pas rare que nos propres attentes et désirs se contredisent. Pour un enfant, l’acceptation, l’amour et la reconnaissance des parents sont primordiaux. Ainsi, lorsque des signaux ambigus sont envoyés, l’enfant peut se mettre à essayer désespérément de lire et d’anticiper chaque désir.
Un enfant dépend de ses parents pour survivre, il est donc crucial de gagner leur amour et leur affection. Ces enfants ont utilisé leur empathie pour survivre. Observer et étudier leurs parents dès le berceau pouvait fonctionner à merveille à ce moment-là.
Mais à l’âge adulte, nous rencontrons généralement des personnes que nous ne connaissons pas depuis toujours. Les people pleasers se perdent alors souvent dans l’effort constant d’interpréter des signaux qui, sans communication claire, relèvent d’un véritable jeu de hasard.
Mais à l’âge adulte, nous rencontrons généralement des personnes que nous ne connaissons pas depuis toujours. Les people pleasers se perdent alors souvent dans l’effort constant d’interpréter des signaux qui, sans communication claire, relèvent d’un véritable jeu de hasard.
Leur vocabulaire varie, leur ton varie, leurs pensées et émotions fluctuent. Leurs besoins tournent sans cesse autour de ceux des autres. Ce peuvent être des personnes au caractère bien affirmé, car il faut, en plus de l’empathie, une forme de force de volonté pour évaluer constamment l’environnement et s’y adapter. Elles savent exactement quelles questions les autres veulent entendre, ce dont ils ont besoin, et elles donnent tout pour leur offrir précisément cela. Ce sont des êtres incroyablement attachants, qui vivent dans un effort constant pour répondre aux besoins d’autrui.
Mais derrière cela se cache un cri désespéré pour être aimé. Un cri qui ne peut jamais être entendu tant qu’elles ne commencent pas à s’écouter elles-mêmes et à reconnaître que leurs propres besoins sont tout aussi importants que ceux des autres.
Mais derrière cela se cache un cri désespéré pour être aimé. Un cri qui ne peut jamais être entendu tant qu’elles ne commencent pas à s’écouter elles-mêmes et à reconnaître que leurs propres besoins sont tout aussi importants que ceux des autres.
Nos blessures nous obligent à apprendre des choses que nous n’aurions peut-être jamais apprises autrement. Ainsi, les people pleasers deviennent des maîtres de l’adaptation. Lorsqu’on leur confie une tâche, elles l’accomplissent dans les moindres détails.
Si elles parviennent à guérir leurs blessures, elles restent des personnes extrêmement empathiques, avec un cœur en or, capables de faire grandir et améliorer des systèmes plus largement que ce que la plupart des autres peuvent imaginer.
Si elles parviennent à guérir leurs blessures, elles restent des personnes extrêmement empathiques, avec un cœur en or, capables de faire grandir et améliorer des systèmes plus largement que ce que la plupart des autres peuvent imaginer.
Pour ma part, je suis très loin d’être une pleaser. Mais c’est précisément pour cela que je me laisse volontiers inspirer par le perfectionnisme, le sens du détail, la politesse et la prévenance de ces personnes au grand cœur, et je me réjouis, en retour, de pouvoir leur transmettre (si besoin) un peu de ma petite révolution contre l’adaptation.
Conditions préalables
…pour pouvoir utiliser l’empathie de manière positive.
1. Acceptation de soi
L’acceptation de soi est ici équivalente à l’amour de soi. Mais avant d’aimer, il faut d’abord accepter. La relation que nous entretenons avec nous-mêmes est déterminante pour les relations que nous avons avec les autres. Comment pouvons-nous attendre des autres qu’ils nous acceptent, nous aiment et nous respectent si nous n’y parvenons même pas nous-mêmes ? C’est comme si nous attendions que les autres maîtrisent quelque chose que nous-mêmes ne croyons pas possible, qu’ils compensent un déficit en nous que nous entretenons activement.
Plus cette blessure est grande, plus la peur du rejet est intense, et plus notre attention se porte sur ce sentiment. Il se peut que nous recherchions presque les personnes susceptibles de nous rejeter, car le rejet existera toujours.
Nous sommes tous si différents et chacun doit affronter ses propres démons. Chacun cherche et a besoin de choses différentes. Tout ce que nous pouvons faire, c’est ne pas nous empêcher de vivre pleinement. C’est seulement à partir de là que nos proches peuvent décider s’ils veulent cheminer avec nous ou non.
Et c’est seulement à partir de là que nous pouvons accepter cette décision sans remettre en question notre valeur.
Car lorsque nous nous acceptons nous-mêmes, nous prenons nos décisions avec le cœur. Cela signifie que nous agissons pour le bien de la vie et non pour obtenir l’approbation des autres.
exemple
J’ai longtemps été (en dehors de mes proches) vraiment extrêmement timide. Je n’osais pas poser de questions, exprimer mes désirs, formuler mes rêves. En raison de mon monde émotionnel intense, mes pensées ont toujours été très extrêmes, expansives, envahissantes, et hors de ce que beaucoup considèrent comme «normal». Je ressentais (alors inconsciemment) que dès que je communiquais, je forçais les autres à vivre mon intensité. Alors je la réduisais, et il ne restait rien de moi - ce qui me rendait encore plus mal à l’aise dans ma peau. Je voulais épargner aux autres l’intensité de mes émotions.
Tout a changé lorsque j’ai compris que c’était moi qui étais dépassée par l’intensité de mes sentiments. C’est moi-même qui me perturbais avec mes idées et émotions folles, et je pensais qu’il valait mieux les épargner au monde. Ainsi, j’ai inconsciemment cherché un environnement qui confirmait ma perspective. Je ressentais presque leur rejet de mes émotions intenses. (Plus à ce sujet dans l’article «trop»)
Tout a changé lorsque j’ai compris que c’était moi qui étais dépassée par l’intensité de mes sentiments. C’est moi-même qui me perturbais avec mes idées et émotions folles, et je pensais qu’il valait mieux les épargner au monde. Ainsi, j’ai inconsciemment cherché un environnement qui confirmait ma perspective. Je ressentais presque leur rejet de mes émotions intenses. (Plus à ce sujet dans l’article «trop»)
Depuis que j’apprends à accepter tout cela en moi, je rencontre des personnes heureuses de se laisser emporter par mon émotionnalité. Bien sûr, certaines personnes trouvent cela trop. D’autres adorent, mais à distance. Et c’est parfaitement normal.
Tant que je mets tout ce que je suis dans la balance, je suis entière.
À partir de là, je peux décider quels contacts renforcent mon être et lesquels me limitent, me démotivent ou freinent l’autre personne.
À partir de là, je peux décider quels contacts renforcent mon être et lesquels me limitent, me démotivent ou freinent l’autre personne.
En acceptant et en développant notre empathie, tout en posant nos limites, nous créons presque automatiquement un environnement où l’empathie est perçue comme un cadeau et non comme une menace.
2. L’empathie sur les deux plans
Nous avons besoin d’empathie sur les deux plans. Ce n’est qu’alors que l’humanité peut prendre conscience avec le cœur de ce que nous faisons à notre fondement de vie ou à nos semblables. Ce n’est qu’alors que nous sommes capables de percevoir quelle blessure nos actions peuvent provoquer chez les autres. Ce n’est que lorsque nous pouvons faire preuve de compassion envers nous-mêmes et envers les autres que nous possédons la force d’assumer la responsabilité de nos actes.
En même temps, nous utilisons notre esprit pour ordonner les émotions et ne pas nous perdre dans un flot émotionnel. L’esprit peut intégrer les circonstances, les contextes, le passé, les paroles et les actes, et comprendre là où le cœur seul reste dans l’obscurité.
3. Accepter et voir derrière
Si nous voulons vraiment accepter une personne, cela signifie nous ouvrir à toutes ses facettes. Chaque être humain porte une part d’ombre en lui. Il suffit de regarder le monde pour constater le potentiel de mal en chacun. Un potentiel que chaque individu porte en soi. Nous ne pouvons pas imaginer comment nous agirions si nous avions grandi dans un autre environnement ou si nous étions confrontés à d’autres situations. Pour ma part, je pense que nous sommes tous capables de tout, autant du positif que du négatif.
Comment alors accepter la douleur en nous et chez les autres sans l’alimenter ?
Nous ne devons pas rester coincés dans la douleur. Aussi sombres que soient nos pensées et nos émotions, nous portons tous, au plus profond de nous, une force qui va au-delà. Une force plus grande que toute haine, toute souffrance et toute douleur : l’amour.
Il s’agit d’un exercice d’équilibre qui n’est pas toujours évident. Il s’agit de regarder une personne, d’accepter pleinement sa douleur, de la laisser être, tout en reconnaissant la beauté qui se cache en chacun de nous.
Le monde est plein de joie, d’amour, de passion. Mais il est aussi plein de souffrance, car tout cela fait partie de l’humain. Nous devons commencer à ouvrir notre cœur à la souffrance. Percevoir avec notre corps ce que notre esprit sait déjà.
Pour ne pas sombrer dans le désespoir ou le sentiment d’impuissance, il ne faut surtout pas oublier : ce que nous ressentons, ce sont NOS PROPRES émotions. Et elles resteront enfouies dans l’inconscient jusqu’à ce que nous soyons prêts à leur faire face.
Avec notre esprit, notre cœur, notre corps - avec tout ce que nous sommes.
Pour ne pas sombrer dans le désespoir ou le sentiment d’impuissance, il ne faut surtout pas oublier : ce que nous ressentons, ce sont NOS PROPRES émotions. Et elles resteront enfouies dans l’inconscient jusqu’à ce que nous soyons prêts à leur faire face.
Avec notre esprit, notre cœur, notre corps - avec tout ce que nous sommes.
Autrefois, rester ferme face aux émotions des autres était considéré comme une force. Cela témoignait de stabilité et de performance.
Aujourd’hui, nous avons besoin d’une nouvelle forme de force. Une force qui repose sur la capacité à maintenir l’espace pour les émotions qui surgissent, à ouvrir notre cœur, à écouter, à regarder pleinement, sans nous perdre dans notre propre douleur ou nos souvenirs.
C’est ainsi seulement que nous pouvons, ensemble, créer un monde qui se dédie pleinement à l’humanité du ressenti.
Car c’est pour cela que nous vivons. C’est pour cela que nous sommes humains.
Car c’est pour cela que nous vivons. C’est pour cela que nous sommes humains.
Pour ressentir. Et ce dont nous avons besoin pour cela, c’est de la force pour nous rencontrer et nous voir véritablement.
De ma vie
L’empathie émotionnelle dans l’improvisation
L’hiver 2023. L’un de mes derniers concerts de classe de trompette pendant mon Bachelor a été pour moi un petit désastre total. Je ne me souviens même plus du morceau que je jouais, mais je me rappelle très exactement chacune de mes émotions.
Assez près de la scène, juste dans mon champ de vision, il y avait un homme qui, dès les premières notes, s’est mis à regarder sa montre. Il ne semblait pas vraiment captivé par ce que j’étais en train de faire sur scène. Peut-être qu’il n’était tout simplement pas habitué à entendre des trompettes pendant une heure. Ou alors il gérait mal son temps et devait filer à un autre rendez-vous. Moi, en tout cas, j’étais complètement dans mon propre film.
Mes yeux restaient fixés sur la partition, mais tout mon attention s’était portée sur cet homme ennuyé, qui parcourait le programme avec indifférence, pendant que je donnais tout pour offrir au monde la trompettiste parfaite - celle dont, à ce moment précis, j’étais pourtant le plus éloignée.
Mes yeux restaient fixés sur la partition, mais tout mon attention s’était portée sur cet homme ennuyé, qui parcourait le programme avec indifférence, pendant que je donnais tout pour offrir au monde la trompettiste parfaite - celle dont, à ce moment précis, j’étais pourtant le plus éloignée.
Et soudain, tout est remonté. Toute la douleur de vivre dans un monde façonné par des hommes, où ma véritable voix ne trouve pas d’écho. Toute la détresse liée à ces émotions que je n’ose pas formuler, de peur qu’elles paraissent trop émotionnelles, trop folles, trop faibles. Tout ce que j’ai retenu de moi pour ne pas être trop, trop dérangeante, trop différente.
Je me suis complètement crispée, j’ai traversé la pièce en oscillant entre la colère et le désespoir, et j’ai accueilli les applaudissements avec un sourire forcé.
J’ai lancé un dernier regard noir à cet homme - qui ne se rendait probablement même pas compte de ce qui se passait - puis j’ai quitté la scène avant de tomber en larmes dans les bras de mes parents, venus spécialement à Francfort pour le concert. «Je veux qu’on m’écoute !» ai-je réussi à dire avant que mes mots ne soient engloutis par mes sanglots désespérés. Mes parents, qui comprenaient rarement mes élans émotionnels mais les connaissaient bien, ont fait de leur mieux pour me consoler.
J’ai lancé un dernier regard noir à cet homme - qui ne se rendait probablement même pas compte de ce qui se passait - puis j’ai quitté la scène avant de tomber en larmes dans les bras de mes parents, venus spécialement à Francfort pour le concert. «Je veux qu’on m’écoute !» ai-je réussi à dire avant que mes mots ne soient engloutis par mes sanglots désespérés. Mes parents, qui comprenaient rarement mes élans émotionnels mais les connaissaient bien, ont fait de leur mieux pour me consoler.
Je sais que la situation aurait été différente si j’avais interrompu la pièce, si je m’étais libérée du corset contraignant des notes (tel que je le ressentais) et avais improvisé. Si j’avais exprimé ce qui criait en moi à ce moment-là. Le blocage se serait dissipé instantanément et j’aurais pu mettre mon désespoir dans la musique. Car c’est ce que fait l’improvisation pour moi : c’est un autre monde que celui des notes. Un monde plus libre, où je n’ai pas besoin d’être autre que moi-même.
Quand j’ai déménagé à Lyon, je voulais plonger dans le jazz, mais j’ai vite compris que de nouvelles règles allaient m’être imposées. Pour le moment, c’est exactement ce que j’aime dans mon improvisation : le libre, l’imprévisible, l’indéfini, encore un peu naïf et maladroit, mais surtout sans règles imposées, venant du moment présent.
Comme je le décris à la fin de l’article contrôler vs. guider, même la liberté nécessite certaines règles. Je trouverai probablement mon expression propre en improvisation lorsque j’arriverai à intégrer quelques règles pertinentes. Avec ma formation classique, j’ai déjà un répertoire de règles sur lequel je m’appuie inconsciemment lorsque j’improvise.
Mais pour moi, la priorité reste de trouver une improvisation qui vienne du cœur. Qui possède la même liberté que le monde des émotions. Qui peut avoir la même honnêteté et irrationalité que mon cœur.
Dans le monde de la musique classique, ma faiblesse était que je percevais plus les émotions - les miennes, celles de mes collègues, et celles du public - que la musique elle-même. Dans le monde que je construis actuellement, cela peut devenir ma force.
Me connecter aux émotions telles qu’elles sont, et utiliser la musique pour leur donner une forme.
Me connecter aux émotions telles qu’elles sont, et utiliser la musique pour leur donner une forme.
L’empathie émotionnelle dans une relation de couple
Après avoir remis en question toutes les idées profondément ancrées que j’avais sur mon futur et les avoir examinées sous tous les angles, le thème de la relation / famille est lui aussi passé au crible. Pour l’instant, j’ai accepté que, moi, romantique passionnée, je trouve incroyablement beau le concept de grandir avec une personne et de partager sa vie - tout en sachant bien sûr que je ne peux jamais prévoir ce que la vie me réserve.
Mais…
Comment quelqu’un pourrait-il jamais me supporter à son côté ?! Avec toutes ces émotions ! Avec ce besoin constant de tirer de chaque instant la sensation la plus profonde. Avec cette passion infinie, qui cherche toujours à puiser davantage dans la vie. Avec ces expéditions permanentes hors de ma zone de confort, parce que c’est là que la vie se ressent vraiment. Et surtout : avec ce miroir émotionnel, qui lit tout et ne laisse échapper aucun changement émotionnel chez l’autre.
Comment quelqu’un pourrait-il jamais me supporter à son côté ?! Avec toutes ces émotions ! Avec ce besoin constant de tirer de chaque instant la sensation la plus profonde. Avec cette passion infinie, qui cherche toujours à puiser davantage dans la vie. Avec ces expéditions permanentes hors de ma zone de confort, parce que c’est là que la vie se ressent vraiment. Et surtout : avec ce miroir émotionnel, qui lit tout et ne laisse échapper aucun changement émotionnel chez l’autre.
Au final, cela concerne toutes les formes de relation, mais dans l’amitié, il est souvent plus facile de moduler cette intensité que dans une relation de couple.
Je pense à toutes ces personnes qui vivent dans des relations où elles ont le sentiment de trop ressentir et qui essaient de montrer à leur partenaire une version d’elles-mêmes plus rationnelle, plus fonctionnelle, moins émotionnelle. Une maladie de notre société de performance, qui a réussi à transformer même la plus belle chose qui soit - l’amour - en une affaire utilitaire. Où la connexion entre deux personnes devient un projet économique, centré sur la sécurité et la fonctionnalité. Où l’ouverture à aimer et à se relier devient une quête désespérée de la bonne personne.
L’empathie peut extraire d’une relation la connexion la plus profonde et la plus sincère que l’on puisse imaginer. Car la compréhension - à la fois cognitive, mais surtout émotionnelle - est la clé qui fait fleurir la connexion.
Lorsque nous apprenons à reconnaître et à communiquer nos émotions, ce qui reste, c’est la capacité de ressentir une autre personne dans son essence. Si nous cessons de cloisonner notre empathie et de nous accrocher désespérément à la rationalité, nous rencontrons des personnes qui peuvent se sentir profondément vues et comprises.
Lorsque nous apprenons à reconnaître et à communiquer nos émotions, ce qui reste, c’est la capacité de ressentir une autre personne dans son essence. Si nous cessons de cloisonner notre empathie et de nous accrocher désespérément à la rationalité, nous rencontrons des personnes qui peuvent se sentir profondément vues et comprises.
L’empathie nous permet des liens plus profonds et essentiels que tout autre. Il nous suffit simplement de nous y engager.
Nous devons arrêter de fuir, et nous permettre de nous confronter honnêtement à nous-mêmes et aux autres.
Car lorsque nous écoutons vraiment avec le cœur, nous rencontrons des personnes qui veulent être entendues avec le cœur.