Le cours de la vie

Jul 31, 2025
Comme je l’explique dans l’article Le fondement du bonheur, le bonheur est quelque chose que l’on peut trouver dans chaque émotion. Plus précisément, on ne peut vraiment vivre que lorsque l’on permet à toutes les émotions d’exister.
Souvent, on se perd dans l’illusion que la vie devrait toujours bien se passer. Pour éviter le malheur, on reste dans le confort rassurant de notre zone de sécurité. Mais celui ou celle qui ne prend pas de risques - qui n’espère pas, n’ose pas, ne rêve pas - ne peut pas non plus perdre.
 
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Alors on se stabilise dans une constante sécurité, jusqu’au moment où la vie finit quand même par nous mettre quelque chose de très inconfortable sur le chemin. Et on est forcés de bouger. On se réjouit des hauts, on tolère la moyenne, tant qu’on évite les bas.
Et ce n’est pas surprenant. Comment pourrait-on savoir gérer les bas si personne ne nous l’a appris ? Comment faire face à des émotions comme la tristesse, la colère ou la peur ? Quand la douleur te vrille le cœur au point que chaque pas te paraît absurde. Quand le désespoir t’enlève l’air et la liberté de rêver. Que faire quand cette voix destructrice dans ta tête devient de plus en plus forte et t’écrase un peu plus à chaque seconde ?
Il faut arrêter de lutter contre.
On est humains. On est fait pour ressentir tout ça. Même si c’est parfois insupportable. Notre inconscient régule ce qu’on est capable de traverser - et tant qu’on ne s’y oppose pas, on peut tout ressentir. Ce n’est que quand on résiste que ça devient difficile.
Mais dès qu’on accepte les émotions, une forme de clarté émerge. Une clarté qui nous permet d’apprendre et de grandir à partir des phases sombres. Tout ce tourbillon de désespoir trouve, dans l’acceptation, une issue. Même le vide a un sens.
Quand on est en plein dedans, ça paraît utopique. Et pourtant, si on fait confiance à la vie, on finit par comprendre à quoi cette phase a servi.
 
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Tour

Jour 29

L’Occitanie est derrière moi, et j’ai vécu une période incroyablement belle et inspirante. Maintenant, direction l’océan. Depuis des années, j’ai envie de remonter sur une planche de surf, et là, c’est enfin le moment.
Voyager en permanence et vivre dans l’incertitude est incroyablement enrichissant, mais aussi épuisant. Je sens que j’ai absolument besoin de quelques jours calmes, surtout sûrs, sur un camping, pour me reposer, surfer et jouer de la trompette.
Mais la route de Montauban à Arcachon, en passant par Bordeaux, est bien plus longue - et surtout bien plus ennuyeuse - que je ne l’avais imaginé.
Je n’en peux plus. J’ai envie d’arriver. J’ai envie de paix. J’ai envie de sécurité. J’ai envie de clarté. Pédaler, pédaler, pédaler, aaaaah j’ai besoin que quelque chose change !!
La route est d’une monotonie désespérante et, plus je suis confrontée à cet ennui plat, plus une voix en moi crie qu’il est temps d’être libérée de ce vide apparemment sans fin et sans sens.
 
J’arrive enfin à la mer - et me fais immédiatement submerger par la foule de touristes. Je savais à quoi m’attendre, mais la réalité est encore une autre histoire. Un stand de location de surf après l’autre. Lequel choisir ? Un camping après l’autre. Est-ce que j’ai vraiment envie de plonger dans ce tumulte commercial ? Ou alors dormir en forêt, à la sauvage ? Des milliers de possibilités de dépenser des milliers d’euros dans de la bouffe pas très saine mais terriblement tentante.
Le soir, je tombe un peu par hasard sur un concert étrange organisé par un surf camp. Et je me sens plus seule que dans les forêts de l’Ardèche.
Je pense que la solitude est quelque chose de bon et de nécessaire. Mais la solitude au milieu des gens, c’est autre chose. Quand l’anonymat crée une distance qu’on ne voit pas comment combler.
Alors je fuis de nouveau la foule, je monte ma tente dans une forêt noire, et - aussi proche des gens que je sois - je me sens, pour la première fois, vraiment, vraiment en insécurité dans ma tente.
Je réussis quand même à dormir quelques heures, et à 7h du matin, épuisée, je reprends la route. Chaque décision sur ce voyage se fait à l’instinct, et là, mon instinct me dit : «Continue. Il y a d’autres endroits sur la côte où tu peux te poser.»
Je n’en veux plus.
Et pile au bon moment, Paul (un Toulousain avec qui j’ai tissé une belle amitié en quelques jours de route) m’envoie une chanson qui me fait retrouver une mini étincelle de motivation. Everywhere home. Je rêve d’un chez-moi. Juste pour quelques jours. Mais peut-être que mon chez-moi, pour l’instant… c’est la route.
 
Je me retrouve donc à nouveau sur la piste et je croise Olivier. Il va dans la même direction. Nos discussions me font vite oublier mon manque d’élan. Sa détermination m’inspire, sa clarté rend la recherche d’un endroit pour bivouaquer étonnamment simple.
Et le soir même, on s’éclate dans les vagues comme deux enfants - on n’en revient pas de notre chance. Les vélos sont en sécurité. Les endroits tranquilles pour poser la tente ne manquent pas. Et il n’y a pas un touriste bruyant à l’horizon.
Alors je m’allonge sur la plage à 23h, les yeux perdus dans l’infini du ciel étoilé - et je ne ressens rien d’autre que ce moment-là.
C’est juste parfait.
 
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2 jours plus tard.

Je suis à nouveau confrontée à mon désarroi. Mais qu’est-ce que je fous là, au juste ? Quel est le sens de tout ça ? Quel est mon but ? Chaque jour sur cette côte me le rend plus évident: je ne trouverai pas ici ce que je cherche. Peu importe ce que c’est - ce n’est pas ici.
Je m’effondre. Fatigue extrême. SPM. C’est tout trop. Je suis assise dans un petit coin de nature magnifique, et je me sens comme la personne la plus incapable de la planète.
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Alors ma meilleure amie Isi reçoit un message vocal après l’autre, dans lesquels je pleure et lui explique tout ce que je n’arrive pas à faire. À quel point je me sens perdue, sans direction, dépassée. Et pourquoi je n’arrive tout simplement pas à trouver ma place dans ce monde.
Je sais que ce sont des pensées en spirale, pleines de destructivité. Mais dire les choses m’aide toujours. Il faut que ça sorte. Isi a donc 30 minutes de messages sur son téléphone, qu’elle écoutera patiemment dès qu’elle aura un moment. J’ai vraiment la meilleure amie du monde !!
Après ce tourbillon, je comprends enfin: depuis que je suis arrivée sur cette côte, je me sens complètement déconnectée, perdue dans la foule des touristes. Donc, c’est clair : deux nuits tranquilles au camping, et ensuite, je reprends la route.
 

 

2 jours plus tard.

J’ai trouvé le camping parfait. J’ai rencontré des bikepackers super sympas. Et peu à peu, je commence à comprendre le sens de mon voyage.
 
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Voyager le rend encore plus évidentes que dans le quotidien:
À quel point la vie peut changer vite.
Dans le bon comme dans le mauvais sens. Mais plus les jours passent, plus je le vois clairement: Ça ne sert à rien de s’accrocher. Ni au positif. Ni au négatif. Tout peut basculer - en un instant, une rencontre, une pensée. Et à chaque instant.
Alors j’ai le choix: ne pas lutter contre le négatif, mais accueillir les choses telles qu’elles sont. L’important, c’est de continuer à avancer. Parfois, avancer, c’est aussi faire une pause. S’arrêter. Mais jamais ça ne vaut la peine de désespérer de ce qui est. Parce qu’on ne sait pas - et on ne saura jamais - ce que le moment suivant va nous apporter.
Alors accueillons la vie les bras ouverts, avec tout ce qu’elle a à nous offrir. Acceptons l’ombre des phases sombres. Voyons dans chaque difficulté une tentative de nous apprendre quelque chose.
C’est la seule manière d’apprendre à travers les épreuves - et de savourer vraiment le bonheur.
 
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