La limitation du passé
Tant que nous poursuivons des objectifs sans les remettre en question, que nous prenons nos pensées pour une vérité absolue et que nous refusons d’assumer la responsabilité de nos émotions, nous restons définis par nos conditionnements. Lorsque nous commençons à questionner ce cadre, cela revient à remettre en question notre réalité actuelle. Une réalité qui, chez chacun·e, est toujours plus ou moins limitée. On entend alors souvent des phrases comme : « la vie, c’est comme ça », « il faut rester réaliste », etc. Chez l’un·e, c’est le travail, chez l’autre, la relation, ou encore les amitiés. Nous avons tous et toutes des domaines où nous ne vivons pas encore la vie que nous pourrions vraiment vivre.
Personnellement, j’ai longtemps maintenu ma réalité très réduite. Ça ressemblait à peu près à ceci:
Quand nous décidons enfin de questionner cette vérité, les « faits » jusque-là admis se transforment soudain en doutes et peurs. Aussi frustrant que cela soit, identifier ces doutes et ne pas les accepter comme des limitations est déjà un grand et important pas en avant.
À chaque fois que l’on s’approche d’une limite, quelque chose en nous se rebelle. Il est toujours plus confortable de rester dans le connu. Là, on se sent en sécurité, on maîtrise, et même si la réalité ne nous satisfait pas, elle nous est au moins familière. Sortir de cette zone rassurante implique un risque. On ignore alors tout de ce que ce franchissement peut apporter, et notre esprit refuse l’incertitude.
Si l’on veut donc se délester de quelque chose, cela signifie qu’auparavant ce quelque chose va se manifester avec une force décuplée. Cette intensité nous force à mobiliser notre volonté - c’est cette force qui va nous permettre de dépasser le mur. Évidemment, cette volonté n’est pas déjà là, prête à l’emploi. Il s’agit de faire appel à un logos fort, c’est-à-dire de choisir, de façon très claire, de franchir la limite. Dès lors, de nombreuses occasions se présentent pour agir et ressentir autrement.
Pour moi, ce sont surtout les doutes. Nous connaissons tous cette petite voix dans la tête qui mine nos performances, qui nous convainc du « je ne peux pas » avant même d’avoir essayé. Je me suis ainsi fabriqué un petit « pro‑douteur ». Pour la préparation de la tour, j’avais mille choses à organiser: l’équipement, le vélo, le logement, mille petits détails et - une fois que j’ai décidé de me faire partager mes pensées avec le monde - le blog. J’ai donc sombré, avant même d’avoir mis un doigt sur la tour, dans le doute de moi et la surcharge.
J’ai vite compris: le « faire‑faire‑faire », ne va pas fonctionner ici. C’est ma stratégie de base, et ça marche plutôt bien quand on quitte son pays pour commencer une nouvelle vie en France. Pour préparer la tour, il me fallait cependant de l’organisation structurée, claire, ordonnée. Alors je me suis installé deux semaines chez Isi à Francfort: prendre une pause hors de mon chaos lyonnais pour faire le plein de clarté et de structure chez elle.
Même si en remettant tout en question j’ai d’abord bousculé sa routine, le fait de vivre ensemble m’a contraint, peu à peu, à ordonner mes pensées. Au bout de ces deux semaines, je voyais enfin un vrai progrès sur mon site (ce qui était pour moi la plus grosse source de stress). J’étais prêt pour trois semaines à Lyon avant le départ. À ce moment-là, tout me semblait aligné… plus que ce qu’il ne fut réellement.
Ça a été une montagne russe émotionnelle: pas un détour manqué, et une semaines avant le départ, j’étais - à cause de ma tendance pour des actions impulsives et émotionnelles - sans vélo et plongée dans un profond trou de renoncement.
En résumé:
Je m’approchais de ma frontière.
Le temps avant qu’on brise cette frontière est souvent fait d’une succession tourbillonnante d’émotions. C’est la lutte entre les doutes/peurs et notre volonté. Si ça tombe sur une semaine de PMS, on pourrait presque croire qu’on devient folle. Au fond, tout cela est hyper logique et humain et plus on essaye de comprendre cette zone P2, plus tout devient clair.
Ma limite actuelle: Apprendre à partager mon univers et à trouver ma personnalité de trompettiste. Trop longtemps, j’ai essayé de penser, d’être, de ressentir autrement que ce que je suis, et trop longtemps j’ai douté de ma capacité à être trompettiste.
Dans les prochaines neuf semaines, je vais changer ça.